« Travailler avec les chercheurs, c’est un peu comme coacher au basket. »
La silhouette imposante de l’ancien basketteur professionnel cache un homme aussi modeste que rigoureux. Avant de laisser les rênes de l’institut, Ed a accepté de partager son histoire de l’Idiap et de revenir sur son rôle.
Comment un basketteur professionnel américain devient-il directeur financier d’un institut de recherche dans les Alpes ?
En apprenant continuellement ! En tant que joueur, puis coach professionnel, j’ai visité 22 pays et habité dans 6 d’entre eux. En 2003, j’étais à la recherche d’un autre travail pour me stabiliser et mon diplôme américain n’était pas reconnu en Suisse. C’est le directeur financier d’alors, Pierre Dal Pont, qui m’a donné ma chance à l’Idiap. Avec les projets européens FP6, ils avaient besoin de l’aide d’un anglophone, à l’aise avec les chiffres. De deux matinées par semaines, j’ai petit à petit augmenté mon taux d’activité jusqu’à un mi-temps, ce qui me laissait encore la possibilité de continuer ma fonction de coach sportif. A l’époque, l’institut ne comptait qu’une cinquantaine d’employés contre 129 aujourd’hui ! Il aurait fallu être devin pour prédire cette croissance et notre statut de centre de recherche en intelligence artificielle mondialement reconnu. Après le départ à la retraite de Pierre Dal Pont, puis de la personne qui lui a succédé, François Foglia m’a poussé à me présenter pour le poste. Je n’y avais même pas pensé, tant le défi était grand ! Et j’avais raison… j’ai beaucoup sué la première année ! Comme nos financements sont publiques, la gestion de l’Idiap nécessite d’être d’autant plus prudent et rigoureux.
Quels ont été les principaux défis de ces 15 dernières années ?
Lorsque j’ai repris la gestion des finances de l’Idiap, nous étions en pleine croissance. Dans l’immédiat, la difficulté était de gérer tous les partenaires du Pôle de Recherche National, IM2. Les chercheurs ne parlent pas tous la langue des finances. Coordonner tout cela n’était pas évident et j’ai passé beaucoup de temps avec les responsables du Fonds National Suisse pour la Recherche à Berne pour finaliser le rapport final du projet. Cet exercice de coordination avec les chercheurs m’a fait constater qu’ils ne sont pas si différents des joueurs professionnels de basket : chacun à sa personnalité et sa compréhension des choses. Il faut travailler avec eux, pas contre eux. Mon expérience de coach était précieuse. Il aura aussi fallu beaucoup de patience pour implémenter certains nouveaux outils qui ont accompagné la croissance de l’institut, comme par exemple le relevé des heures de travail. C’est aussi à cette occasion que j’ai pu voir la liberté dont nous disposons ici : grâce aux compétences internes, nous avons développé notre outil sur mesure. C’est une chance formidable.
Quelle vision, quel souhait fais-tu pour l’Idiap ?
Que l’institut garde son indépendance et sa créativité ! L’esprit de l’Idiap est son point fort, c’est ce qui m’a permis de m’intégrer en Suisse, notamment en construisant un réseau extraordinaire. C’est une chance que je n’aurais jamais eu ailleurs. Je remercie Hervé, Jean-Albert, Pierre, Olivier et François* pour ce merveilleux travail d’équipe et la confiance qu’ils m’ont accordé. Grâce à eux et à tout l’Idiap, j’ai toujours du plaisir à venir travailler ! Tout comme je l’avais fait pour mes joueurs, je donnerais le conseil suivant à tous mes collègues : soyez conscient de la chance que vous avez de travailler à l’institut et ayez du plaisir dans vos activités professionnelles.
* Hervé Bourlard, directeur actuel, Pierre Dal Pont, directeur financier de l’époque, Jean-Albert Ferrez, ancien directeur adjoint, Olivier Dumas, Président du conseil de fondation, et François Foglia, directeur adjoint actuel.